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la fin. Île fortunée, que cette Crète, patrie du roi Minos et de
l ingénieur Dédale ! N était-ce pas là qu Hippocrate envoyait sa
riche clientèle de la Grèce qu il parcourait en enseignant l art de
guérir ?
La Syphanta, orientée au plus près, lofa de façon à doubler
le cap Spade, qui se projette au bout de cette langue de terre,
allongée entre la baie de la Canée et la baie de Kisamo. Le cap
fut dépassé dans la soirée. Pendant la nuit  une de ces nuits si
transparentes de l Orient  la corvette contourna l extrême
pointe de l île. Un virement vent devant lui suffit pour reprendre
sa direction au sud, et, le matin, sous petite voilure, elle courait
de petits bords devant l entrée de Grabouse.
Pendant six jours, le commandant d Albaret ne cessa
d observer toute cette côte occidentale de l île, comprise entre
Grabouse et Kisamo. Plusieurs navires sortirent du port, felou-
ques ou chébecs de commerce. La Syphanta en « raisonna »
quelques-uns, et n eut point lieu de suspecter leurs réponses.
Sur les questions qui leur furent faites au sujet des pirates aux-
quels Grabouse pouvait avoir donné refuge, ils se montrèrent
d ailleurs extrêmement réservés. On sentait qu ils craignaient de
se compromettre. Henry d Albaret ne put même savoir, au juste,
si la sacolève Karysta se trouvait en ce moment dans le port.
La corvette agrandit alors son champ d observation. Elle
visita les parages compris entre Grabouse et le cap Crio. Puis, le
22, sous une jolie brise qui fraîchissait avec le jour et mollissait
avec la nuit, elle doubla ce cap et commença à prolonger d aussi
près que possible le littoral de la mer Lybienne, moins tourmen-
té, moins découpé, moins hérissé de promontoires et de pointes
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que celui de la mer de Crète, sur la côte opposée. Vers l horizon
du nord se déroulait la chaîne des montagnes d Asprovouna,
que dominait à l est ce poétique mont Ida, dont les neiges résis-
tent éternellement au soleil de l Archipel.
Plusieurs fois, sans relâcher dans aucun de ces petits ports
de la côte, la corvette stationna à un demi-mille de Rouméli,
d Anopoli, de Sphakia ; mais les vigies du bord ne purent signa-
ler un seul bâtiment de pirates sur les parages de l île.
Le 27 août, la Syphanta, après avoir suivi les contours de la
grande baie de Messara, doublait le cap Matala, la pointe la plus
méridionale de la Crète, dont la largeur, en cet endroit, ne me-
sure pas plus de dix à onze lieues. Il ne semblait pas que cette
exploration dût amener le moindre résultat utile à la croisière.
Peu de navires, en effet, cherchent à traverser la mer Lybienne
par cette latitude. Ils prennent, ou plus au nord, à travers
l Archipel, ou plus au sud, en se rapprochant des côtes d Égypte.
On ne voyait guère, alors, que des embarcations de pêche,
mouillées près des roches, et, de temps à autre, quelques-unes
de ces longues barques, chargées de limaçons de mer, sorte de
mollusques assez recherchés dont il s expédie d énormes cargai-
sons dans toutes les îles.
Or, si la corvette n avait rien rencontré sur cette partie du
littoral que termine le cap Matala, là où les nombreux îlots peu-
vent cacher tant de petits bâtiments, il n était pas probable
qu elle fût plus favorisée sur la seconde moitié de la côte méri-
dionale. Henry d Albaret allait donc se décider à faire directe-
ment route pour Scarpanto, quitte à s y trouver un peu plus tôt
que ne le marquait la mystérieuse lettre, lorsque ses projets fu-
rent modifiés dans la soirée du 29 août.
Il était six heures. Le commandant, le second, quelques of-
ficiers, étaient réunis sur la dunette, observant le cap Matala. En
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ce moment, la voix de l un des gabiers, en vigie sur les barres du
petit perroquet, se fit entendre :
« Navire par bâbord devant ! »
Les longues-vues furent aussitôt dirigées vers le point indi-
qué, à quelques milles sur l avant de la corvette.
« En effet, dit le commandant d Albaret, voilà un bâtiment
qui navigue sous la terre&
 Et qui doit bien la connaître puisqu il la range de si près !
ajouta le capitaine Todros.
 A-t-il hissé son pavillon ?
 Non, mon commandant, répondit un des officiers.
 Demandez aux vigies s il est possible de savoir quelle est
la nationalité de ce navire ! »
Ces ordres furent exécutés. Quelques instants plus tard, ré-
ponse était donnée qu aucun pavillon ne battait à la corne de ce
bâtiment, ni même en tête de sa mâture.
Cependant, il faisait assez jour encore pour que l on pût, à
défaut de sa nationalité, estimer au moins quelle était sa force.
C était un brick, dont le grand mât s inclinait sensiblement
sur l arrière. Extrêmement long, très fin de formes, démesuré-
ment mâté, avec une large croisure, il pouvait, autant qu on
pouvait s en rendre compte à cette distance, jauger de sept à
huit cents tonneaux et devait avoir une marche exceptionnelle
sous toutes les allures. Mais était-il armé en guerre ? Avait-il ou
non de l artillerie sur son pont ? Ses pavois étaient-ils percés de
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sabords dont les mantelets eussent été baissés ? C est ce que les [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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